Pour une meilleure image de l’Islam

Pour une meilleure image de l’Islam

Islam
Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Amir Al Mouminine

Pour une meilleure image de l’Islam[1]

 

Au nom d’Allah le Clément, le Miséricordieux, que la prière, le salut et les bénédictions soient sur le Prophète Mohammad, sur sa famille et sur tous ses compagnons.

Majesté, que le salut et la clémence du Puissant soient sur vous, qu’Allah vous accorde le succès dans ce que vous entreprenez et qu’il perpétue votre nom par les œuvres pieuses que vous accomplissez.

Le verset coranique que nous avons choisi en tant que point de départ à notre causerie où nous abordons le thème des modalités propres à rectifier l’image de l’Islam, le verset, disions-nous est puisé dans le chapitre du Coran «Al-Hujurât/ Les Appartements» où Allah dit: « Croyants, si un homme de mauvaise réputation vous apporte une nouvelle, qu’on prenne soin, d’abord d’en vérifier la teneur, vous risqueriez autrement, de causer du tort à des innocents, par inadvertan­ce, ce dont vous auriez ensuite à vous repentir  ».

Nous allons traiter de ce verset sans pour autant aborder les circonstances de sa révélation, ni les développements que les exégèses lui réservent pour nous contenter d’en présenter les sens et les significations. Pour ce qui est des circons­tances de la révélation et des commentaires, ils figurent tous dans les exégèses coraniques pour qui voudrait y revenir.

Le chapitre coranique « Al-Hujurât/Les Appartements » comporte l’enseignement et l’éducation du Musulman quant aux attitudes et aux comportements qu’il est appe­lé à prendre dans sa société avec, en filigrane, de grandes vérités religieuses. Aussi y trouvons-nous l’exhortation à se conformer aux principes de piété et de dévotion et à un code moral indiquant le comportement à adopter vis à vis du prophète (P.S) une incitation des Musulmans à toujours s’assurer de la véracité d’une information pour éviter le tumulte consécutif à la diffusion des mensonges et des fausses nouvelles et l’appel au rétablissement des liens filiaux entre les croyants quand surgit un conflit interne entre eux. La sourate, par ailleurs ne manque pas d’exhorter les Musulmans à s’éloigner de tout vice social susceptible d’engendrer le désordre et la scission entre les croyants, semant ainsi la haine et la rancœur entre eux ; le Prophète (P.S) ne dit-il pas à cet égard :  » Vous avez le même Dieu et un même père, vous venez tous d’Adam et Adam vient de l’argile. Le plus proche d’Allah parmi vous est le plus pieux : nulle différence entre un Arabe et un non arabe que par la piété  » ?

Notre chapitre contient également la norme établissant clairement le critère de préférence entre les hommes et qui constitue la balance par laquelle se déterminent leurs valeurs morales, et enfin une définition de la foi authentique à partir de ce verset:  » Les nomades ont affirmé : Nous avons cru en Dieu. Dis : Vous êtes loin de croire. Dites plutôt, nous nous soumettons. La foi n’a pas encore gagné vos cœurs.  »

Le tout est présenté sous forme d’appels dont cinq s’adressent aux croyants et le sixième à l’humanité entière dans le verset suivant : « Ô vous les hommes, nous vous avons créés à partir d’un mâle et d’une femelle, puis nous avons fait de vous des nations et des tribus pour que vous vous connaissiez les uns les autres. ». Cet appel, comme on le voit, s’adresse à tous les peuples de la terre !

Tout l’enseignement contenu dans ce chapitre n’a malheureusement pas été pour empêcher certains de prétendre que l’Islam serait une religion de violence et de résignation qui s’abandonne au fatalisme.

Cette attitude, bien sûr, est celle qu’adoptent les ignorants, des calomnies en somme, soutenues par ceux qui ignorent cette religion et refusent de la comprendre.

Contrairement à ce qu’ils soutiennent, l’Islam a vécu parmi des civilisations et des cultures anciennes avec lesquelles il a procédé selon les principes de la science et de la raison, de l’acceptation de l’autre et de la fraternité. La civilisation islamique s’est par ailleurs constituée sur les fondements d’un programme qui lui a permis de s’ouvrir sur tout ce qui est nouveau et bénéfique au sein d’une société, ayant foi en le dialogue en tant qu’unique voie au développement de l’esprit et à l’émancipation de l’être.

C’est ce dévouement pour l’ouverture sur l’autre et ce dialogue constructif qui ont été à l’origine de l’apparition et du développement d’une culture musulmane diversifiée. La difficulté pour cette culture aujourd’hui, réside dans le fait que le Musulman, alors qu’il quête le meilleur moyen de réaliser son éveil et sa renaissance, se trouve en même temps obligé de redéfinir les moyens de se comporter avec les défis qu’il est appelé à relever tout en affrontant les transformations imposées par la modernité et les nouveaux dialogues civilisationnel, culturel et religieux actuels. L’action donc, est une action double et doit s’engager sur deux fronts: d’une part, pour récuser les fausses accusations dont on a affublé l’Islam, d’autre part, pour rechercher le mode et les procédés permettant de se comporter avec une nouvelle civilisation reposant sur l’excès et se transformant de jour en jour.

Si dépasser toutes ces difficultés recommande des Musulmans un grand effort, vus les nombreux obstacles, il nécessite d’eux par ailleurs, et en même temps, une volonté ferme et une confiance en soi, une prédisposition psycholo­gique et un état d’esprit appropriés afin qu’ils parviennent à mettre un terme à la confusion et au désarroi que vit le monde musulman aujourd’hui, pendant qu’il œuvre à planifier son avenir. Néanmoins, L’Islam exhorte les gens à rassembler entre l’action et la foi, le bon comportement social et l’utilisation, avec sagesse, d’une raison éclairée. Allah veut que l’homme soit conscient, logique et en pleine possession de ses facultés intellectuelles, c’est pourquoi il l’a chargé de responsa­bilités sociales et institutionnelles fondées sur la piété qui elle, constitue une protection et une immunité contre tout ce qui serait susceptible d’engendrer le mal à l’homme. La piété en plus, consolide l’action dans le bon discernement selon les critères de la pondération et de la juste mesure : La piété, en outre, se définit en tant qu’équilibre et principe de juste milieu. Allah dit en effet : « Dieu n’aime pas les fauteurs de trouble », c’est à dire ceux qui font du mal à leur prochain, à leur société, voire à eux-mêmes.

Comment donc, nous autres Musulmans, allons-nous participer au dévelop-pement spirituel nouveau de l’humanité de manière effective ? Comment devons-nous œuvrer pour lui imprégner notre spécificité islamique ? l’Islam, lorsque nous le percevons dans sa réalité, lorsque nous l’estimons selon sa valeur réelle et lorsque nous l’appliquons comme il se doit, constitue un instrument efficace, non seulement pour les Musulmans eux-mêmes, mais aussi pour l’ensemble de l’huma­nité. Comment donc définir notre action pour qu’en profite cette humanité aujour­d’hui à son tour, dans sa course frénétique vers le progrès et vers une technologie dépourvue de toute considération spirituelle et de toute valeur morale ?

Les Musulmans peuvent appartenir à cette culture moderne qui n’est pas somme toute, et quoi qu’on en dise, que mal et vices. Cette culture, cette civilisa­tion et ce monde nouveau ne comportent pas uniquement le mal, ils ont, comme Janus, les deux visages du bien et du mal. Il suffit d’en retenir le bien dont on peut profiter et qu’on peut orienter au bénéfice de toute l’humanité.

L’étrange position de l’Occident vis à vis de l’Islam est un phénomène surprenant que nous sommes appelés à étudier afin d’en comprendre les origines et les causes tant internes qu’externes. Lorsque nous méditons la question, nous en per­cevons de nombreuses causes dont nous pouvons citer notamment :

1- D’abord, le problème de la reconnaissance de l’autre, malheureusement non réciproque. Le prophète Mohammad (P.S), en révélant l’Islam a scellé le cycle des religions monothéistes tout en reconnaissant les prophètes du Judaïsme et du Christianisme. Ceux-ci occupent même une place de choix dans le Coran, notre livre saint qui, parlant d’eux, les présente en tant que modèles pour les hommes, alors que ces deux religions ne citent pas du tout le prophète de l’Islam et ne reconnaissent même pas son message.

2- Vient ensuite l’héritage historique et les positions consécutives aux croisades, qui avaient longtemps occupé les esprits et dont les méfaits, il est vrai, avaient commencé à s’évaporer avec le temps, mais dont on perçoit aujourd’hui le retour avec force.

3- Il y a également, et c’est ce que ne parvient pas à comprendre le Musulman aujourd’hui, la position des Occidentaux vis à vis de la religion en géné­ral. Puisque ceux-ci l’ont complètement écartée de leur vie et de leurs préoccupa­tions quotidiennes, ils n’arrivent pas à comprendre que les Musulmans demeurent attachés à leur religion qui fait partie de leur vie et qu’ils défendent avec acharnement, force et dynamisme.

4- Puis, il y a la question de la coopération et de la communication où les Musulmans en général ne maîtrisent pas encore les techniques de la science moderne et les principes de l’analyse du discours des autres et où ils enregistrent un réel retard.

Il est impossible de communiquer avec l’Européen Occidental comme nous le faisons entre nous, car nous utilisons des systèmes de communication tout à fait différents. Nous sommes donc appelés tout d’abord à changer de discours en en transformant les règles et les critères. Un nouveau discours devrait être conçu selon les techniques des sciences actuelles afin de communiquer avec les autres selon leur mode de pensée, leur logique et leurs connaissances à même de les convaincre et d’avoir quelque impact sur eux. Ils ne peuvent effectivement écouter puis n’être réceptifs qu’au discours auquel ils sont familiers et auquel ils se sont habitués. Certes, il ne suffit pas d’avoir raison pour que les gens reconnaissent que vous avez raison ! Il faut en plus savoir faire parvenir le message pour qu’ils le comprennent et pour qu’il agisse sur eux jusqu’à les convaincre. Là également, les Musulmans se trompent quand ils adressent à l’Europe le même discours qu’ils utilisent entre eux. L’Européen ne comprend nullement ce discours qui ne passe pour lui par aucun canal, ni par aucun de ses codes. Cela, alors même que les techniques de communication sont aujourd’hui étudiées dans les universités et sont répandues un peu partout. Leurs principes linguistiques sont proches de ceux utilisés dans les médias et dans la publicité qui usent de moyens argumentatifs pour amener les gens à croire aux différents messages qu’ils émettent selon des procédés que nous voyons quotidiennement dans les médias écrits et audio-visuels.

5- Nous trouvons par ailleurs le fait que les occidentaux ne reconnaissent pas l’Islam en tant que culture participant à la civilisation moderne. Ils prétendent que cette religion refuse la notion d’universalité et brave leur système qu’elle vou­drait exploiter à son profit tout en faisant fi des droits de l’homme, des droits de la femme et de toutes les libertés ainsi que de la démocratie. On se demande com­ment peut s’opposer à la liberté, une religion qui énonce dans son livre saint :  » Vint le jour où le Seigneur dit aux anges : -j’ai résolu d’installer un lieutenant à Moi sur terre . –  y mettras -Tu, tirent-ils, un être qui y sème le désordre et répand injustement le sang, quand nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier ? Il est des choses, dit le Seigneur, que je suis le seul à savoir « .

Comment une telle religion peut-elle refuser ses libertés et ses droits à l’hom-me?

Béni soit le Seigneur qui a fait de l’homme son vicaire sur terre et l’a élevé en lui assujettissant ce qui est dans le ciel et dans la terre. Ce verset à lui seul, dans son expression la plus explicite, peut être exploité à ce propos pour démontrer que l’Islam rejette le système unique et tyrannique tout comme tout excès menant à l’extrémisme. Certes, l’Islam est la religion de la médianité conformément au ver­set où Allah dit : « Nous avons fait de vous une communauté du juste milieu » et le prophète (P.S) de son côté, d’après le hadith rapporté par Bukhari a dit de l’Islam : « Cette religion est celle de la facilité et de la douceur. Toute personne qui veut être rigoureuse en religion ne peut qu’être battue par elle ». Toutes ces tradi­tions authentiques sont malheureusement délaissées aujourd’hui par ceux qui parlent de l’Islam pour le faire connaître.

L’extrémisme a été désavoué par le prophète (P.S) et ce, en toute chose. Ainsi, celui-ci a réprouvé le comportement de quelques jeunes nouvellement convertis qui voulaient repousser la rupture du jeûne jusqu’à la prière du soir au lieu de celle du coucher du soleil par excès de zèle. D’autres voulaient mener la vie d’ascète en vivant dans le célibat, mais le prophète (P.S) les désapprouva. L’Islam rejette toutes les formes d’excès et d’extrémisme, c’est pourquoi tout le long de l’histoire de cette religion, les ouléma ont combattu ce phénomène en composant des traités et des ouvrages qu’on trouve jusqu’à aujourd’hui. Al Ghazzali à titre d’exemple, a composé deux essais dans ce sens : « Iljam al’awam ‘an ‘ilmi-l-kalam » où il se propose de réfréner les outrances des profanes, un monsieur tout le monde pensant à sens unique comme on dirait aujourd’hui, concernant les discussions en matière de théologie dogmatique (kalam). A l’époque en effet, ces discours avaient été la source de bien des troubles entre les divers polémistes. En effet les questions dogmatiques débouchent sur le dogme et les normes législatives qui ne peuvent eux, être traités que par le seul spécialiste qui lui, peut aborder les textes pour les expliquer et les interpréter, puis les exposer aux gens en général; c’est pourquoi ne devraient étudier toutes ces questions dogmatiques et législatives que les ouléma qui eux, disposent d’une culture aux multiples horizons.

Le deuxième ouvrage est intitulé « Aliqtissad fi al i’tiquad » (de l’économie concernant la foi) où son auteur exhorte les Musulmans, lorsqu’ ils sont ensembles à discuter, de se contenter des seuls textes coraniques lorsqu’il parlent de la foi, mais lorsqu’il s’agit d’en traiter avec un non musulman, de rechercher d’autres pro­cédés et d’autres méthodes. Et c’est là l’essence même du problème aujourd’hui.

6- Enfin, toujours concernant les causes de la position négative de l’occiden­tal vis- à vis de l’Islam, nous trouvons la position des orientalistes vis à vis de cette religion. Nul ne doute que les orientalistes ont rendu de grands services à la langue arabe et à la culture arabo-musulmane. Néanmoins, ils n’étaient pas tous d’un même niveau de conscience et d’intégrité. Leur discours sur l’Islam est un discours occidental qui s’adresse à des occidentaux, comportant il est vrai de nombreuses positions dont on ne peut que les remercier. Mais en contrepartie, leurs études étaient en relation avec la politique à laquelle ils recouraient pour présenter des avis juridiques et des orientations à partir du fait que les affaires du monde isla­mique sont intiment liées aux intérêts de l’Occident. Il y avait donc des cher­cheurs qui étudiaient le Coran, les propos du prophète (P.S) et l’histoire musulma­ne, mais qui n’avaient inclus dans leurs recherches que ce qui leur était favorable et qu’ils ont développé pour » racoler » quelques naïfs comme on en trouve toujours chez tous les peuples.

On sait que l’orientalisme est un produit occidental ayant servi à l’Europe colonialiste à étudier et à comprendre les autres sociétés pour les occuper et les exploiter, les vaincre et les maintenir sous son joug. Et c’est là qu’intervient juste­ment la relation qui peut s’établir entre le chercheur et l’objet de son investigation. Le chercheur est en situation de force par rapport à son sujet et exerce un pouvoir quasi total sur la matière, qu’il définit, analyse et investit de tous ses côtés, pour la juger après avoir choisi la méthode à laquelle il l’assujettit. C’est en somme le rapport du vainqueur avec le vaincu ! Partant, il nous appartient de nous demander, concernant l’orientalisme, pourquoi nous n’aurions pas, nous aussi nos études « occidentalistes » ou bien si l’on veut « européanistes ». Plusieurs générations des pays musulmans ont été en Europe et y ont étudié, mais ne perçoivent l’Occident que d’un seul angle, de surcroît restreint qui ne peut prétendre à la globalité. Pourquoi nous n’avons pas un « institut des hautes études occidentales » où on étu­dierait en profondeur l’Europe afin qu’on puisse formuler des opinions lorsque nos relations respectives se détériorent ou lorsqu’ils adoptent leur attitude agressive vis à vis de l’Islam en l’affublant de mensonges futiles et d’erreurs grossières ? Pourquoi nous n’avons pas un groupe de chercheurs qui étendent leurs études au-delà des sciences humaines pour définir les critères d’une science dont s’occupent nos « occidentalistes » parallèlement aux orientalistes ? C’est ainsi seulement que notre vision de l’autre pourra devenir générale et englober aussi bien le passé que le présent de l’Europe. Une telle science ne peut que nous profiter, c’est pourquoi je saisis cette occasion pour inviter les universitaires à y réfléchir sérieusement.

Ainsi donc, les problèmes de l’Islam sont perçus à travers la conscience euro­péenne plutôt que dans leur réalité intrinsèque, et ceux parmi les occidentaux appe­lés à juger cette religion et à l’orienter sont gouvernés dans leur vision du monde par des principes intellectuels émanant de leur mentalité et de leur logique, de leur idéologie et de leur mode d’analyse et d’interprétation !

Maintenant que nous avons passé en revue les causes qui font que l’Islam est ignoré et qui suscitent l’hostilité gratuite vis à vis de cette religion, une conclusion incontournable s’impose à nous avec force, à savoir un programme nouveau pour la défense de l’Islam par l’exposé de son histoire et de sa culture, selon une argu­mentation scientifique, claire et actuelle. En d’autres termes, présenter notre reli­gion dans une texture nouvelle, selon un mode que notre interlocuteur européen peut accepter et peut comprendre. Nous proposons à ce sujet les étapes de ce pro­gramme comme suit :

1- Veiller, en dépit d’une réalité dégradée, à instaurer un dialogue effectif et constructif avec l’autre partie, seul un tel dialogue peut nous permettre de nous entendre. S’il est vrai que les circonstances sont à ce jour défavorables, nous devons nous ingénier à trouver les moyens de surmonter ces obstacles.

2- Présenter l’Islam selon un discours particulier, organisé, dans une texture nouvelle et optimiste, car le discours direct et absolu est considéré en tant que pro- sélytisme que notre interlocuteur refuse et combat de but en blanc. Puisque le refus et la mystification ne touchent pas la seule religion pour englober tous les autres domaines de la vie musulmane, il devient nécessaire de faire participer à cette action toutes les énergies et tous les acteurs sociaux: scientifiques, penseurs, écri­vains, politiciens et artistes. C’est là en effet un travail de groupe qui devrait ras­sembler les Musulmans du monde afin qu’ils présentent une nouvelle image de leur religion à ceux dont la seule préoccupation est de calomnier l’Islam et sa cul­ture.

3- Encourager la recherche scientifique au profit d’une société qu’on voudrait instruite et émancipée. Nulle existence en effet dans les sociétés sans science, alors que celle-ci ne cesse de se développer et de progresser. Nous devons donc encou­rager nos scientifiques pour qu’ils participent dans leur société en produisant et pour que nous ne demeurions pas de simples importateurs et consommateurs de la science. Nous ne pouvons y parvenir qu’en encourageant la recherche scientifique dans les universités par exemple. Il est vrai que nous avons assisté ces dernières années à un grand progrès en ce domaine, relativement aux années précédentes. Cependant, cela reste insuffisant et nos hommes de sciences ne disposent pas enco­re de tous les moyens à même de leur permettre de s’acquitter convenablement de leurs tâches.

A propos de recherche scientifique, je tiens à souligner qu’auparavant, nos ouléma l’accomplissaient au niveau de l’effort intellectuel (Ijtihad) en tant que concept islamique équivalent, les chercheurs aujourd’hui sont également ceux qui analysent ce concept, des chercheurs plein les facultés et dont la plupart attendent les moyens pour mieux s’acquitter de leur rôle afin que la connaissance dans cer­tains de ses domaines devienne nôtre et qu’on puisse citer des noms musulmans parmi les chercheurs comme auparavant.

4- Vient ensuite l’action religieuse et qui elle, consiste à faire connaître le Coran, les propos du prophète (P.S) et l’histoire de l’Islam. Tout cela avec des méthodes variées, conformément au niveau intellectuel et spirituel des destina­taires du message. Il ne suffit pas de traduire le Coran qu’on laisse exposé dans les rayons des librairies, il s’agit avant tout de s’assurer de l’authenticité de cette tra­duction, d’une manière qui nous satisfasse et avec un niveau de langue accessible à tout lecteur. Ensuite, il faut que cette traduction soit accompagnée d’annexes expliquant les thèmes et les objectifs coraniques, car celui qui accède au texte cora­nique traduit est en droit de se poser certaines questions dont les réponses ne se trouvent pas dans le texte révélé. Puisque le spécialiste peut même prévoir ces questions, il peut leur réserver des annotations explicatives et des annexes, comme les questions concernant l’exaltation de l’homme et traitant de ses droits. Par ces annexes, on parvient certes à compléter la traduction qui sans elles resterait incomplète.

Par ailleurs, tous les peuples possèdent leurs encyclopédies alors que nous, nous n’avons pas d’encyclopédie de l’Islam, la seule qui existe à ce jour, celle de Brill a été rédigée par des orientalistes qui lui ont réservé un effort incomparable. C’est une référence inestimable pour tous les chercheurs du monde, même nous les ouléma, nous la consultons et y recourons souvent. Ce qu’il nous faut, c’est une encyclopédie de l’Islam écrite par les chercheurs musulmans. Dieu seul sait com­bien ils sont nombreux; on les compte aujourd’hui par milliers, et pourtant, jamais un tel projet n’a encore vu le jour. Il existe bien sûr des encyclopédies en langue arabe, mais la plupart, sinon la totalité, ont été traduites d’une langue étrangère vivante: Il est grand temps que paraisse notre propre encyclopédie où on corrige l’image que l’Europe donne de notre religion, et où participeraient, le Marocain, l’Algérien, le Tunisien, l’Egyptien, le Saoudien … mais où participeraient égale­ment les spécialistes en sciences du discours et en communication, ainsi que des publicitaires afin que l’ouvrage se présente conformément aux codes accessibles aux sociétés auxquelles on s’adresse. Revenons à la traduction du Coran, pour qu’elle soit réussie, il faut nécessairement que toutes les dispositions soient prises afin que soit adjoint dans les annexes une définition des objectifs de la Loi isla­mique par exemple. Une telle définition permettrait au lecteur de s’arrêter au cadre général de cette législation et d’en avoir une perception globale et partant, une vision totale de ses normes tant au niveau de leur fondement et de leurs principes généraux, qu’au niveau de leurs sciences annexes et de leur application.

L’intérêt des objectifs de la Loi (Maquasid Achari’a) réside dans le fait qu’on y recourt généralement lorsque survient un fait nouveau qui aura besoin qu’on déduise pour lui des normes conformes à la Loi et à ses objectifs généraux et pour conforter pleinement l’être musulman dans sa religion et sa législation qu’il tient à respecter totalement. Tout cet intérêt est merveilleusement résumé chez Ibn Qayim al Jouziya dans son ouvrage « A’lam al Mowaqi’in « .  Dans cette citation, nous pou­vons lire :

 » La Loi (chari’a) se fonde et s’édifie sur le bien de l’homme dans son existence ici-bas et dans l’au-delà. Elle n’est que justice, que clémence, que bien pour lui, et que sagesse. Toute question qui dévie de la justice pour l’iniquité, de la clémence pour son contraire, du bien pour le mal, ne peut pas émaner de la Loi, alors même qu’elle en serait interprétée. La Loi, c’est la justice de Dieu entre les hommes, Sa clémence pour les créatures, Son ombre sur terre et Sa sagesse qui prouve Son existence, ainsi que la sincérité de Son envoyé (P.S) « .

Comme ce que dit ce jurisconsulte est merveilleux ! Il a su reconnaître à travers quelques paroles la réalité de l’Islam, sa quintessence et son objectif principal.

5- Voyons maintenant le problème de la communication et l’intérêt que celle-ci présente pour nous. C’est au niveau de la communication qu’apparaît la raison pour laquelle nous avons relié notre thème  » pour une meilleure image de l’Islam » et le verset coranique où il est dit : « Croyants, si un homme de mauvaise répu­tation vous apporte une nouvelle, qu’on prenne soin d’abord d’en vérifier la teneur: vous risqueriez autrement de causer du tort à des innocents par inadvertance … « .

Ce verset aborde la communication et l’information ainsi que le grand rôle qu’elles jouent et qui peut provoquer les plus grands maux pour l’être humain, allant jusqu’à l’hostilité si elles se fondent sur le mensonge et la mystification. Et c’est justement le cas de l’Islam aujourd’hui.

L’information, actuellement est traitée avant d’être présentée au public. Elle est devenue aujourd’hui une véritable industrie, au point où, dans sa diffusion, elle constitue une véritable arme, tranchante et efficace, une batterie dont la force de frappe dépasse celle de n’importe quelle bombe. En outre, dans sa conception, elle recourt à un ensemble de sciences, humaines, exactes et expérimentales et puise ses instruments de l’histoire et de l’anthropologie. C’est pourquoi son impact sur les populations n’est réduit ni par le temps, ni par l’espace. Son influence transgresse les lois et viole l’immunité de n’importe quelle personne ou société. Vue toute cette puissance, il est de notre devoir de prendre sérieusement le problème en considération.

Il nous appartient donc de faire en sorte que notre présence sur la scène inter­nationale soit au niveau du siècle, et que notre discours utilise les instruments et les procédés idoines, à même d’arracher l’Islam de l’impasse où il se trouve afin que son aspect universel soit reconnu par la société internationale à laquelle il est appe­lé de participer à la paix et à la sécurité.

Nous devons être de notre époque. A cet égard, l’Islam possède des racines solides, mais aussi des ailes d’envergure. Des racines, parce qu’il habite nos âmes et circule dans nos veines, notre identité est donc islamique, comme nous l’avons toujours été et comme nous le demeurerons encore, mais en usant de la science pour communiquer avec les autres tout en vivant pleinement notre être dans son essence. Des ailes aussi, si nous parvenons à mieux connaître et à appliquer notre religion comme il se doit, surtout grâce à la science, -toujours la science- dans une société instruite et émancipée, alors seulement, ces ailes nous transporteront dans les cieux qui s’ouvrent aujourd’hui à l’humanité.

Majesté, ce qui doit retenir notre attention aujourd’hui, pendant que nous sommes appelés à relever les défis et à œuvrer à corriger l’image de l’Islam en l’af­franchissant de la mystification dont on l’affuble, c’est de nous faire comprendre de l’autre et de vivre avec lui dans la concorde et l’harmonie. Nous sommes les parti­sans de la paix et non pas de la guerre, les partisans de la paix et de la concorde et non pas du mal et de l’agression. Nous devons donc vivre avec le reste du monde dans un climat imprégné de fraternité et de considération mutuelle, marqué par le dialogue réfléchi et constructif.

Si nous parvenons à réaliser cet objectif, c’est que Dieu dit en effet : « Dieu parachèvera Sa lumière, dussent en pâtir les infidèles. »

C’est cette lumière divine émouvante et pénétrante qui finit par lever les voiles pour envahir l’univers de tous ses côtés, afin que l’humanité puisse profiter de la lumière de l’Islam et la lumière du Coran. Comment ne pas y parvenir alors qu’à notre tête se trouve un guide, jeune, instruit et formé dans les universités et qui de surcroît, investit tous ses efforts pour que sa nation soit à l’avant garde, pré­parée à concrétiser tout qu’il espère pour elle ?

Qu’Allah accorde à Sa Majesté les plus grands succès, qu’Il veille sur lui par Ses yeux qui jamais ne s’assoupissent et qu’il l’entoure de Son assistance. Dieu, accorde-lui Tes bienfaits, préserve-le dans sa santé et consolide son action par celle de son jeune frère S.A. Royale le Prince Moulay Rachid, ainsi que tous les membre de la noble famille royale.

Dieu éclaire-le de Ta lumière dont son peuple a besoin pour emprunter la voie d’un progrès et d’une prospérité toujours plus grande. Nous y parviendrons assurément, par la volonté et l’assistance d’Allah!

Dieu pardonne-nous nos péchés, ainsi qu’à nos parents, à nos maîtres et à toute personne qui nous veut du bien. Ô Toi le plus miséricordieux parmi les misé­ricordieux, le Maître des univers.


[1] Conférence religieuse du mois d Ramadan animée par le Pr. Abdelwahab Tazi Saoud (Maroc), en présence de S.M. Le Roi MOHAMMED VI, puisse Allah le glorifier, le14 du mois de ramadan 1423 de l’hégire (19/11/2002).